Histoire d'une Utopie.

Il y a bon nombre d'années, un homme, un grand savant inconnu de tous, s'est mis en tête de changer la nature humaine. Ses grandes idées l'ont, après maintes reprises, conduit à un projet qui révolutionne lentement, en ce moment même, dans l'ombre de vos vies encore tranquilles, le cours même du monde. Il a pensé nature humaine, il a pensé a accroître les capacités de vie, à changer le quotidien que le peuple ne supporte plus d'après lui, il a pensé à une immortalité de rêve.

Il a pris son savoir et s'est attelé à une tâche énorme : modifier ce que Dieu avait il y a si longtemps créé. Cela lui prit du temps, beaucoup de sacrifices personnels, et vint alors le succès. Ses expériences? Menées sur des personnes consentantes et mises dans le secret. Jamais un mot ne sortit de ce cercle lentement grandissant. De plus en plus de réussites pour le grand homme. Quand vint le jour où il serait mort, d'après les dires, dans des circonstances inconnues.

Plusieurs de ses disciples reprirent le flambeau, finissant d'accomplir l'oeuvre de toute une vie pour peut-être donner à l'Humanité une chance de changer. Un tournant décisif dans votre vie, celle de vos voisins; de vos enfants, d'inconnus croisés dans la rue, qui sait...


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Ce que vous diront sûrement, dans l'ensemble, la plupart des textes à ce sujet. La vérité, l'humanité en a besoin. Mais elle a un bien plus grand besoin des mensonges qui flattent, qui consolent, qui donnent cette impression de réalité aux plus grandes utopies, qui font croire à l'impossible et avancer dans la vie. Qui n'a jamais dit que la vérité?

L'homme. Ses idées, ses actes, ses folies. Il y en eut tellement dans toute l'histoire de l'humanité que rien ne pourrait qualifier l'ensemble, hormis la folie des hommes.

Certains hommes ont bien sûr été beaucoup plus fous que d'autres. Ceux-ci étaient de loin les plus intelligents. Leur capacité à rallier les masses à leurs côtés ont fait d'eux les personnalités les plus connues, aimées et détestées en même temps du monde actuel. Il y a tant d'exemples.

Parmi tout ces gens qui ont habilement tiré les ficelles du monde tout le long de l'Existence, certains ont décidé, pour persister plus longtemps dans les questionnements divers & variés des chercheurs, de rester dans l'ombre. Plusieurs comptaient dans les plus cruels, les plus dangereux, les plus fous que la terre ait jamais connu.

L'un d'entre eux, que certaines surnomment le Recréateur, a existé il y a plusieurs décennies, peut-être même un ou plusieurs siècles, qui sait. On dit que c'était il y a près de 250 ans, rien que ça. Personne ne l'a connu personnellement pour ce qu'il fit de sa vie. Peut-être était-il une femme, peut-être avait-il une famille, des amis, peut-être était-ce un roi, un prince, peut-être n'était-il tout compte fait que la combinaison de caprices d'enfants et de réflexions d'adultes. Peut-être.

Ce qu'il reste de cette vie, ce ne fut que des directives à prendre. De simples croquis, des notes de bas de pages, de simples esquisses. Ces trois épais carnets, composés de simples feuillets assemblés entre eux par un fin filin d'or, ressemblaient par moments à un manuscrit de moine copieur datant de l'époque où l'imprimerie n'existait pas encore ; à d'autres, ils faisaient plus penser au cahier de brouillon d'un écolier. Malgré tout, tout y est clair pour ceux qui ont en leur possession le contenu intégral et la possibilité d'avoir une vue d'ensemble.

L'écrivain était des plus cultivés. Les références diverses, Platon, Aristote et bien d'autres, sont nombreuses, et lui-même découvre beaucoup d'éléments nouveaux et déterminants. Les passionnés se régaleront.

Vers la fin du dernier ensemble, on pouvait simplement lire le regret de ne pas pouvoir voir si tout cela aboutira un jour. Savait-il que l'heure de sa mort approchait, pour avoir écrit cette dernière phrase? Personne ne sait, personne ne saura jamais.

Ce manuscrit d'une histoire sans fin prédéfinie était composé de recherches et de suppositions sur la nature de l'homme. Le corps et l'esprit. Que l'homme soit créé à partir de cela, pourquoi pas. Au fil des pages, un raisonnement se forme. Puis, quelques pages plus loin dans la relique, une deuxième supposition plus poussée. L'enveloppe corporelle endiguant les deux autres, l'esprit composé de la conscience, de l'inconscience, de la mémoire, de l'empreinte personnelle de chaque humain, et l'âme, essence même de la vie, étincelle qui anime les corps et fait fonctionner les esprits. Au milieu de l'ouvrage, encore autre chose, les trois parties avec, dixit, leurs « reflets ». L'ombre, reflet du corps, le nom, reflet de l'esprit, puis l'aura, reflet de l'âme.

« Tout est lié, a t-il un jour inscrit, tout se concentre dans ces trois parties ici présentées. Dès la naissance de la première créature vivante sur Terre, ce fut ce cycle qui entra en jeu. Tout est là. »

Le deuxième volume, bien plus épais, arborait étrangement comme titre : « Immortalité. » Le contenu changeait dès les premières pages. Ce n'était plus des suppositions sur les hommes, mais des ambitions. Une durée de vie plus longue, tout d'abord. Puis, au fur et à mesure des pages tournées, l'immortalité totale. Des êtres dont l'âme changerait perpétuellement de corps pour continuer à survivre, invincibles, immortels. Tout serait ainsi possible. Connaître tellement plus les autres, aimer de l'intérieur. Puis la folie s'immisce dans la réalité, remplaçant une immortalité heureuse par un règne personnel qui durerait jusqu'à la fin des temps. On pourrait penser que la plume a été empruntée par un enfant, ou à une dépression de l'intelligence, à de la simple et pure bêtise. Des idées presque possibles virant à la connerie humaine. Simplement la folie qui s'immisçait entre les lignes.

Dans le troisième, il n'y a plus que des croquis compliqués, des notes courtes, un véritable bordel sans queue ni tête. Seulement du technique. Tout-à-fait incompréhensible pour les non-initiés. On y devine des années de recherches démentes et ininterrompues sur des idées de moins en moins logiques. Si le corps a une composition, quelle est la part de l'âme? Une incision à la lame à un endroit précis suffirait-elle pour diviser l'être en deux, voir trois parties distinctes? Les suppositions ne menèrent jamais à rien d'autre que des suppositions de plus. Elles n'auraient jamais pu mener à quoi que ce soit, d'ailleurs, les limites totalement dépassées par des utopies farfelues.

Pour l'époque.

Des scientifiques du monde entier se sont remis à la tâche. Un vent nouveau pour l'histoire, une page à tourner, qui n'en voudrait pas? Ils ont commencé les expériences à partir des anciennes recherches, et on obtenu, après plusieurs années à tourner en rond, leurs premiers résultats.

Nombreux sont ceux qui ont été tentés par l'expérience, tant par le gain que par l'inconnu. Il y avait les utopistes, les fauchés, les seuls au monde, et tant d'autres. Les arguments étaient des plus tapageurs, et un financement fournis par plusieurs États, pourquoi ne pas faire confiance?

Première lancée. Premiers morts. Puis la deuxième, la troisième. On améliorait les techniques, pourquoi pas naître âme liée? On s'arrangeait pour faire le moins de morts possible à chaque vague. Certains ont donné, d'autres non. Ils avaient les yeux partout. L'Organisation devenait immense, internationale, omnisciente, et étendait ses longs bras vers les futurs cobayes.

En tout premier, il y avait les petits centres d'expérimentation. Des sortes de cliniques sans panneau à l'entrée, fondus dans le décor, pour éviter d'éventuels mouvements de contestation extérieurs. Là-bas, c'était d'abord un examen pour voir si c'était possible, puis l'expérience, quelques semaines d'observation, et on vous lâchait. Une fois sur deux, selon des critères assez indéfinis, on vous laissait retourner dans votre vie d'avant. Avec au départ quelques examens de routine, puis la liberté totale. Évidemment, dès l'instant où votre âme sortait de votre corps, l'Organisation était là, dans l'ombre, dans le feu de l'action ou simplement pour des questions, même si les réponses étaient parfois évasives. D'autres fois, au sortir de l'expérience, il y a des centres qui accueillent la marmaille, conditions de vie variables, temps passé là-bas différent selon chacun.

Et après? Ceux qui ont leur âme en bonne séparation, comment peuvent-il savoir où aller? Conseil : un Institut, le premier du genre, qui a ouvert ses portes en début d'année, accueillant les âmes en quête d'un lieu de vie, d'un apprentissage sur leur nouvelle nature, d'une continuité dans les cours normaux, d'une nouvelle vie peut-être...

Bâtiment se fondant dans la nature, comme simplement déposé au milieu d'une grande forêt, sur une île de la taille de la Sicile, à moins d'un kilomètre de la ville principale, un parc magnifique, une vue imprenable sur les littoraux, une liberté quasi-totale, des cours en libre-service, une équipe à l'écoute, et bien d'autres surprises... L'Institut Amélia vous ouvre ses portes et vous souhaite la bienvenue.